" Noël Poitevin" de Dandrieu (extrait)

- L'Historique -

 

Ce très intéressant instrument provient du couvent des Cordeliers de Toul, d'où il fut transféré à Domgermain en 1793. Selon une inscription collée dans la laye du sommier du grand-orgue, côté ut, il fut construit en 1720 par Charles Cachet, facteur alors établi à Toul. Cette seule inscription "faitte par Charle Cachet" serait insuffisante pour attribuer de manière certaine l'instrument à Cachet, car une inscription quasiment semblable ("Cette orgue a été faitte par Charles Cachet") peut se lire sur un tuyau de façade de l'orgue de Ricey-Bas (Aube), un instrument provenant de l'abbaye de Molesme, où Cachet n'a, semble t'il, qu'ajouté un positif de dos à un grand-orgue de 1678. D'autant plus que la tuyauterie ancienne de Domgermain est tout à fait identique à celle de l'orgue construit en 1682 par Jean Treuillot pour l'église Saint-Nicolas de Neufchâteau : la facture est exactement semblable, de même que les marques, particulièrement caractéristiques, avec notamment la marque e# pour le mi bémol (sic).

Ceci pourrait nous conduire à attribuer l'orgue à Treuillot, d'autant plus que le buffet de Domgermain est très proche des buffets conservés de Treuillot (Neufchâteau et positif de dos de Notre-Dame de Beaune). Mais on retrouve également les mêmes marques sur une partie de la tuyauterie ancienne de l'orgue de Noyers-sur-Serein (Yonne), instrument construit ou reconstruit en 1740 par Charles Cachet :ces marques se trouvent sur les tuyaux des Bourdon 8', Flûte 4', Nazard 2 2/3', Doublette 2', Fourniture, Cornet, alors que les tuyaux de façade, les anches et les jeux du positif sont de René Cochu. D'autres caractéristiques propres aux instruments de Cachet se retrouvent à Domgermain, notamment un nombre de rangs de plein-jeu supérieur aux principes de l'orgue classique, avec 7 rangs et non 5 rangs comme c'est normalement le cas pour un orgue de quatre pieds; on relève la même "anomalie" dans les compositions Cachet de Noyers-sur-Serein (1740) , de Semur-en-Auxois (1744), du projet pour la cathédrale de Toul (1746) et de Bar-sur-Aube (1750).

On peut en conclure que l'orgue de Domgermain fut bien construit en 1720 par Charles Cachet, mais selon une esthétique et des techniques archaïsantes, exactement semblables à celles de Jean Treuillot, qui fut le maître et même très probablement le grand-père de Charles Cachet.

En 1775, une réparation fut effectuée par Georges Küttinger, de Nancy. Le 22 mai 1793, l'instrument fut estimé à 150 livres par Nôtre, organiste de la cathedrale de Toul, avant d'être vendu à Domgermain.

Au cours du XIXème siècle, l'orgue fut entretenu par la famille Cuvillier, facteurs établis à Nancy. Le père, Joseph Cuvillier, remit l'orgue en état en 1837, alors que le fils Georges remplaça la soufflerie en 1864. Le même Georges Cuvullier remplaça en 1897 la Tierce du grand-orgue par une Gambe et posa un nouveau Nazard.

Quasiment abandonné, cet instrument fonctionna à nouveau à partir de 1968, suite aux travaux de Georges Nehlig, ancien employé de Roethinger, habitant alors Toul.

Buffet

A la vue de cette double boiserie un peu archaïque pour 1720, on peut se demander si elle ne serait pas antérieure aux travaux de Cachet. Mais les analogies existant entre le grand corps de Domgermain et les buffets construits par Jean Treuillot (ou Trévillot) à Saint-Nicolas de Neufchâteau (1682) et N.D. de Beaune (positif de dos, 1687), notamment ces claire-voies au-dessus des plates-faces qui descendent très bas, économisant les surlongueurs des tuyaux de façade, peuvent s'expliquer par la filiation entre Treuillot et Cachet.

Lors du transfert à Domgermain, les deux buffets ont cependant été modifiés en raison du manque de hauteur, ce qui donne aujourd'hui des proportions un peu tassées. Le positif de dos est néanmoins assez bien conservé, y compris ses plafonds en sapin ; seuls les panneaux arrière au niveau de la plate-face centrale ont été refaits en sapin, avec une légère pente pour donner plus de confort à l'organiste. Le grand buffet est complet, à l'exception de l'une des deux portes arrière du soubassement qui a disparu, l'autre étant déposée sur la tribune. Les deux portes arrière d'accès à la tuyauterie, chacune à deux battants, sont en sapin, de même que les plafonds. Les couronnements des tourelles latérales ont dû disparaitre dès le transfert à Domgermain, par manque de hauteur.

Les deux buffets sont en chêne. Les tuyaux de façade sont en étain, avec écussons en plein-cintre pour les deux tuyaux centraux des tourelles latérales et en triangle très allongé pour les autres.

Composition

I Positif de dos (49 notes au clavier, 48 notes au sommier, CD-c''')

  • Bourdon 8'

Jeu de Cachet. Basses en sapin, en partie couchées sous le plafond. Dessus en étoffe martelée, tuyaux bouchés avec calottes mobiles et oreilles.

  • Montre 4'

Jeu de Cachet. C-Fs en sapin, postés à l'intérieur. G-c''' en étain, en façade puis sur le sommier.

  • Nazard 2 2/3'

Jeu de Cachet, en étoffe martelée. C-H à cheminées, avec calottes mobiles. c-c''' ouverts avec bouches étroites.

  • Doublette 2'

Jeu de Cachet. C-cs en étoffe, bouchés. d-c''' sur le sommier, en étain martelé.

  • Tierce 1 3/5'

Jeu de Cachet en étoffe martelée.

  • Fourniture 3 rgs

Jeu de Cachet, en étain martelé.

C
c
c'
c''
1/2
1
2
4
1/3
2/3
1 1/3
2 2/3
1/4
1/2
1
2

  • Kromhorn 8'

C-H (11 tuyaux) postérieurs à Cachet, sonnant en 4'. c-c''' de Cachet. Corps en étain martelé, pieds en étoffe, noyaux en olives, rasettes en fer, rigoles et languettes anciennes.

II Grand-orgue (49 notes au clavier, 48 notes au sommier, CD-c''')

  • Bourdon 8'
Jeu de Cachet. C-c en étoffe bouchés. cs-c''' en étoffe martelée, bouchés, calottes mobiles.
  • Montre 4 '
C-e' en façade, en étain, de Cachet. f'-c''' sur le sommier, en plomb, tuyaux antérieurs à Cachet.
  • Flûte 4'
Tuyaux de Cachet, provenant en partie du Nazard 2 2/3'. C-H en chêne bouchés. c-c''' en étoffe martelée, ouverts, bouches assez étroites.
  • Nazard 2 2/3'
Jeu de Georges Cuvillier (1897). Tuyaux ouverts en étain, de facture industrielle mais coupés au ton.
  • Tierce 1 3/5'
 
  • Doublette 2'
Jeu de Cachet, en étain très pur et martelé, tuyau C marqué "epitre doublette 2 C"
  • Cornet 5 rgs
Jeu de Cachet, posté, 5 rangs, c'-c''', en étoffe martelée. Rang de 8' bouché avec calottes mobiles et oreilles.
  • Fourniture 4 rgs

Jeu de Cachet en étain martelé.

C
f
f'
1
2
4
2/3
1 1/3
2 2/3
1/2
1
2
1/3
2/3
1 1/3

 

  • Cimbale 3 rgs

Jeu de Cachet en étain martelé.

C
f
f'
1/2
1
2
1/3
2/3
1 1/3
1/4
1/2
1

 

  • Trompette 8'
Jeu coupé en basses et dessus, entre h et c', postérieur à Cachet, probablement de Georges Cuvillier. Pavillons C-H en zinc, c-c''' en étain non martelé.
  • Voix humaine' 8'
Jeu coupé en basses et dessus, entre h et c'.

III Echo (25 notes, c'-c''')

  • Cornet 5 rgs
Jeu postérieur à Cachet, sans tirant, en étoffe non martelée, à 5 rangs. Rang de 8' bouché avec calottes mobiles. Pieds très courts.

Pédale (17notes C-e)

- Tirasse permanente

- Accouplement I/II

- Tremblant doux

- Tremblant fort

 

( Sources : Inventaire des Orgues de Lorraine Meurthe-et-Moselle )

 

 

1990 : restauration par Didier Chanon

Après trois siècles d'utilisation, l'instrument est en très mauvais état de fonctionnement, mais possède encore sa configuration et son matériel d'origine. Ceci justifie son classement en tant que Monument Historique. En 1987, la commune de Domgermain engage les travaux de restauration avec le concours de l'Etat, de la D.R.A.C., du Conseil Général de Meurthe-et-Moselle et de l'association les Amis de l'Orgue de l'Eglise Saint-Maurice de Domgermain. En 1990, Didier Chanon, facteur d'orgues de Saint-Didier-sur-Chalaronne, est désigné pour accomplir la remise en état de l'instrument conçu par Charles Cachet. En 1994, deux concerts d'inauguration révèlent au public la splendeur de l'orgue restauré. Didier Chanon nous livre quelques considérations sur les travaux effectués :

Au début des travaux de restauration, le démontage a mis à jour les noms des jeux écrits par Charles Cachet sur les chapes et les faux sommiers de l'instrument. Cette découverte a permis le reconstitution de la composition à l'identique.

Les sommiers anciens ont été conservés malgré leur état de délabrement mais les ceintures et les tables ont été refaites à neuf afin d'assurer à l'ensemble la solidité indispensable. Au cours du XIXème siècle, la mécanique n'a pas subi de modification, excepté le remplacement des claviers et du pédalier à la française. On pouvait encore observer les traces de fixation des 17 touches du pédalier d'origine sur l'ancien plancher de console. Vraisemblablement, à l'église des Cordeleirs de Toul, le pédalier faisait parler une Flûte 8' placée derrière l'orgue car il n'existe aucune trace d'abrégé de tirasse dans l'instrument. L'exiguïté de la tribune de l'église de Domgermain explique l'absence de pédale indépendante. Avec ses 17 touches, le pédalier à la française reconstitué agit en tirasse fixe sur le grand-orgue.

L'orgue de Charles Cachet a conservé son harmonisation d'origine, le travail sur la tuyauterie ayant consisté à restituer le diapason ancien (La 392) modifié par Cuvillier et assurer le meilleur rendement sonore de chacun des tuyaux. Les bouches sont restées dans leur état d'origine avec 4 ou 5 petites dents, toutes faites du même côté (Charles Cachet était gaucher !)

Le buffet n'a pas subi de modifications lors de son installation à Domgermain. Seules les corniches des grandes tourelles ont été descendues de dix centimètres. L 'avancement du positif a restitué l'écartement entre les deux buffets tel qu'il devait être aux Cordeliers de Toul. Les balanciers du positif et les éléments du plancher avaient été réduits lors de l'installation en 1793.

Les polychromies furent certainement réalisées à l'arrivée de l'orgue en 1793, puisque l'on trouve au sondage le même vernis et la même patine que le buffet d'origine. Elles ont été remises à jour par Stéphane Mocanu. La restauration du buffet et de la tribune a été confiée à Gérard Lang